100 kilomètres

100 kilomètres

100 kilomètres. 100. Ce chiffre paraît énorme quand on est piéton, ridicule quand on circule en voiture. Pour les cyclistes professionnels, c'est à peine la moitié d'une étape du Tour de France. Pour moi, vélotafeur depuis peu, c'est surtout un premier jalon dans le changement de mon mode de transport principal.

Préparation au départ

Ayant déménagé hors du centre-ville de Rennes à la mi-août 2018, dans une bourgade à 10 kilomètres de là, je me suis posé la question du mode de transport pour aller au travail.

Jusqu'à présent, je prenais les transports en commun proposés par la STAR, avec des bus parmi les plus fréquents (C4, C1) et les plus rapides, grâce à des voies de bus dédiées ou des circuits avec peu d'arrêts (ligne 41 express). Les circuits disponibles ne sont évidemment plus les mêmes dans ma nouvelle ville : 2 lignes seulement la traversent sur le trajet qui me concerne et les bus sont espacés de 20 minutes. De plus, mes trajets précédents avaient des arrêts presque porte à porte entre mon appartement et mon lieu de travail. Ma vie de provincial-presque-campagnard actuelle m'amène à effectuer 7 minutes à pieds jusqu'à l'arrêt de bus le plus proche et marcher 10 minutes à pieds supplémentaires pour aller de mon arrêt d'arrivé à mon travail, le tout pour 5 minutes de trajet en bus. Soit un total de 22 minutes de trajet pour chaque aller, donc 44 minutes de transport quotidien pour une distance de 5 kilomètres séparant ces deux lieux.

Certes, ce temps de trajet est équivalent à ce que j'avais en habitant dans le centre de Rennes, mais il ajoute différentes contraintes.

  1. Le temps de marche est allongé entre les arrêts.
  2. Le ratio temps passé dans le moyen de transport/temps de trajet total est largement en défaveur du coût de mon abonnement : 5 minutes de bus sur 22 minutes de trajet.
  3. Les heures de départ de mon lieu de travail sont très limités par les horaires moins fréquents des bus, ce qui m'arrange peu avec mon rythme de travail.

La question de l'optimisation de ces trois paramètres s'est donc posée.

Comment avoir la souplesse des horaires, réduire la marche qui - même si elle est très bénéfique pour la santé - allonge le temps de trajet en raison de sa faible vitesse et profiter d'un moyen de transport rapide ?

La réponse est arrivée : le vélo. J'en entends de plus en plus parler pour les trajets domicile-travail, j'en ai fait beaucoup plus jeune, c'est bon pour la santé et ça ne se traîne pas autant qu'un piéton !

Kilomètre : 0

Mi-août, je me suis donc équipé en location (via le service le vélo STAR à la maison du vélo) d'un vélo à assistance électrique pour 1 an, renouvelable et avec option d'achat.

Modèle en location au Vélo STAR (à peu de choses près)

Le tarif est - à mon sens - très avantageux : une location d'un VAE neuf à 10€ par mois (20€ par mois sans abonnement STAR). Après avoir demandé de l'aide sur les réseaux sociaux (Mastodon et Twitter notamment) concernant l'équipement, me voici à faire un tour chez notre ami toujours à fond la forme.

Mon équipement actuel est le suivant.

  • Un casque, non obligatoire mais fortement recommandé. Pratiquant l'escalade, je sais l'importance de cet équipement, et il est - selon moi - d'autant plus important quand mon trajet m'amène vers une route limitée à 70 km/h.
  • Un gilet jaune de sécurité : la différence entre la vie et la mort peut se jouer sur de la simple visibilité et je pense qu'on n'est pas à 5€ près pour une vie.
  • Une petite pompe à main, pour pouvoir regonfler un pneu en cas de crevaison. Sa petite taille fait qu'elle est facile à transporter.
  • Un serre-pantalon afin d'éviter que mon beau pantalon de costume (rassurez-vous, je ne suis pas en pingouin tous les jours) ne devienne noir de graisse.
  • Une sacoche de selle pour y mettre du petit matériel pour effectuer les premières réparations basiques.
  • Une petite boite comprenant un outil multifonction (avec clefs Allen, cruciforme, etc.), des rustines et deux démonte-pneu.
  • Deux paires de gants jetables pour ne pas avoir les mains pleine de cambouis lors des manipulations imprévues sur le trajet.
  • Une chambre à air correspondant à mes roues, évidemment.
  • Un support de smartphone : pour avoir mon nouveau trajet à l’œil et potentiellement pour les futures balades à vélo.
  • Un cadenas chaîne gros maillon pour éviter de voir ma caution de 1 000 € s'envoler pendant mon absence.

Kilomètre : 10

Mes 10 premiers kilomètres, et donc mes premiers tours de roues avec mon fringuant coursier, ont été faits à la récupération de la location à la Maison du vélo à Rennes, après un briefing sur l'utilisation du moteur, la gestion de la batterie, les garanties applicables et les formalités administratives.

Ces premiers kilomètres, très urbains, ont été un peu stressants. Cela faisait un moment que je n'avais plus côtoyé les voitures sur leur propre terrain, préférant les regarder de mon trottoir. Cependant, la conduite du VAE est un vrai plaisir. Faire du vélo est agréable en plus d'être efficient avec un bon rapport effort/performance. L'équipement est confortable également : aussi bien la selle que les amortisseurs sur la fourche avant.

Deux bémols toutefois : le manque de plateau et la taille du vélo (je suis en limite de hauteur selle et guidon).

Au final, ça a été grisant de retrouver la sensation d'être seul maître à bord en sentant le vent sur son visage, et d'allier - paradoxalement - à la fois vitesse de déplacement et lenteur pour profiter du paysage.

Pour des raisons de sécurité, suivi, assurance et tout le bazar, je vous conseille de noter immédiatement le numéro de série du vélo qui se trouve gravé dans le cadre, sous le pédalier. C'est ce numéro qui vous sera demandé en cas de vol.

Kilomètre : 50

L'étape d'après a été de s'y mettre pour de bon pour aller travailler toute une semaine en vélotaf.

L'idéal pour vos trajets est de trouver des voies sécurisées pour les vélos, ou des pistes cyclables bien délimitées. Suite à mon appel à l'aide sur Mastodon et Twitter, beaucoup m'ont conseillé d'utiliser l'application géovélo (qui a aussi son site en ligne).

Cette application permet de calculer des itinéraires pour les cyclistes en paramétrant le type de voies souhaitées : un itinéraire très sécurisé mais potentiellement plus long, ou bien un itinéraire rapide mais avec la possibilité d'être plus proche des voitures et de partager leur bitume.

Exemple de trajet sur Géovélo.fr

En outre, cette application vous permet de suivre votre évolution dans votre vie de vélotafeur. Vous y retrouverez ainsi des statistiques sur votre trajets et les trajets passés, votre vitesse moyenne, le nombre de kilomètres, etc.

Vue en mode trajet sur Géovélo

J'utilise en parallèle l'application Runtastic Road bike. Elle n'a pas la notion de choix d'itinéraire mais je trouve qu'elle a un meilleur suivi des parcours. On y retrouve notamment la possibilité de revoir le détail d'un parcours passé. Cette fonctionnalité n'est pas encore présente sur Géovélo, même si elle est en cours de développement.

Détail d'un parcours sur Runtastic Road bike

Derniers points de détails, l'application Géovélo est sans publicité en plus d'être gratuite. Tandis que l'application Runtastic, vous vous en doutez, est bourrée de pub et possède aussi une version pro payante. Enfin, vous aurez une utilisation plus safe de vos données personnelles avec Géovélo qu'avec Runtastic.

Une note également pour celles et ceux qui veulent planifier leur trajet sans application, OpenStreetMaps et Google Maps le font très bien également si vous leur demandez le mode de transport "vélo".

La première semaine s'est déroulée (presque) sans accroc. Le temps de trajet est de 12 minutes environ pour faire un aller, avec une vitesse aux alentours de 23 km/h en moyenne. Je pense avoir trop forcé sur les pédales la première semaine et ne pas m'être assez reposé sur l'assistance électrique. C'est donc là que je me suis rendu compte qu'il manque quand même une notion de plateau malgré les 8 vitesses disponibles.

Mais ça aurait presque été trop facile. C'est là que j'ai eu mon premier problème technique dans la semaine : jouant beaucoup avec les vitesses, j'en ai changé trop vite et j'ai déraillé ! Rien d'extraordinaire, c'est quelque chose de très classique. J'ai sorti mon outil multifonction, dévissé le carter recouvrant la chaîne au niveau du pédalier, remis tout ça en ordre de marche et c'était reparti ! Avec les mains noires, évidemment, car je n'avais pas encore mis mes paires de gants en plastique dans ma sacoche à ce moment-là...

Moi, réparant mon vélo : illustration.

Kilomètre : 100

Après 3 semaines, j'ai atteint les 100 kilomètres avec mon fidèle destrier. C'est une semaine de plus que prévu, mais j'ai eu quelques déplacements et éléments volumineux à faire transiter, ce qui m'a forcé à utiliser la voiture et le bus. Malgré cela, je pense pouvoir déjà dresser un premier retour d'expérience de ces trois dernières semaines en vélotaf.

Tout d'abord, je me suis fait à l'assistance électrique, qui m'accompagne jusqu'à 25 km/h et uniquement quand je pédale, avec une batterie qui tient presque 50 kilomètres pour l'instant, c'est-à-dire une semaine complète. Mon temps de trajet commence à diminuer un petit peu et ma vitesse moyenne augmente.

Je me sens aussi plus en forme. Certes, cela ne fait que 25 minutes environ d'activité physique par jour (c'est toujours ça de pris !) mais ça me fait prendre l'air.
Finis aussi les bouchons. Il n'y a que sur mon tronçon à 70 km/h où les voitures me doublent, mais je les retrouve finalement arrêtées au bout de la route, à un rond-point de sortie de 4 voies où la circulation est bien bouchée le matin à 8h30.

J'apprécie également beaucoup de voir la nature, les odeurs et les couleurs différentes en fonction des heures où je passe, au lever du soleil et le soir. J'ai la sensation d'être plus respectueux de la nature dans cette démarche de vélotaf, en ne prenant pas la voiture ; même si je pense qu'un vrai calcul pour vérifier serait à faire, étant donné que je recharge la batterie de mon VAE toutes les semaines...

Enfin, si l'on reprend les trois paramètres décrits plus haut, je pense qu'ils sont bien optimisés.

  1. Le temps de marche a disparu. Il a été remplacé par 1 minute pour sortir le vélo et une autre minute à l'arrivée pour le cadenasser.
  2. Le ratio temps passé dans le moyen de transport/temps de trajet total est très haut. Je passe 12 minutes sur  mon moyen de transport pendant ces 12 minutes de trajet.
  3. Aucune contrainte sur les heures de départ et de retour chez moi. Je ne suis plus rythmé par les horaires des bus moins fréquents : j'enfourche ma monture quand je le souhaite !

Le plus gros inconvénient que je trouve pour l'instant à ma nouvelle pratique de déplacement est le transport d'objet volumineux ou tout simplement quand je suis chargé. Je n'ai pour l'instant qu'un panier supportant 5 kg de charge à l'avant et mon sac à dos (qui a déjà mon PC, son chargeur, mes notes, etc.).

Concernant la "dangerosité" de ce mode de transport, je n'ai rien ressenti de particulier. J'ai la chance d'avoir des pistes cyclables bien délimitées sur les routes que je prends et qui en plus sont dans un espace séparé de la chaussée plus de la moitié du trajet. Route passante oblige, je n'ai pas tous les #gcum que l'on peut trouver en centre-ville et qui obligent le cycliste à adopter un comportement dangereux pour les éviter. Idem pour les deux-roues motrices que je ne croise presque jamais. Les motos sont sur la route et non sur ma piste cyclable, donc j'ai plutôt un environnement respectueux sur le partage de la chaussée jusque là. Il faut bien sûr relativiser, cela ne fait que 3 semaines que je suis dans la course.

Et les prochaines étapes ?

Cette première approche de 3 semaines du vélotaf m'a totalement conquis. Je pense vraiment en faire mon moyen de transport principal. Toutefois, un gros doute plane encore : la pluie. J'habite en Bretagne et je n'ai pour l'instant pas fait de trajet dans les conditions normales de température, de pression et surtout d'hygrométrie locales. Aurai-je encore la motivation de prendre mon vélo quand il se mettra à pleuvoir des trombes d'eau ?
Je pense que oui si je m'équipe bien. J'ai déjà un surpantalon de voile et un bon ciré, mais je pense que prendre un pancho pour vélo serait l'idéal. La réflexion est en cours, et j'espère qu'elle sera terminée avant l'arrivée des premières pluies !

Été Breton

Une autre question importante va se poser en février : vais-je renouveler mon abonnement STAR pour les transports en commun ? Cet abonnement couvre actuellement en illimité, tous les modes de transport (bus et métro) disponible pour une année, ce qui représente 500€ de dépense annuelle environ. Si le vélo devient vraiment moyen de transport principal, je pense arrêter mon abonnement STAR tel qu'il est actuellement et charger ma carte de transport avec des tickets. Cela est plus rentable sur le papier, mais prendre le temps de passer l'hiver d'abord (la pluie, d'accord, mais quid du verglas ?).

Aussi à plus long terme, la question du renouvellement de la location du vélo ou son rachat ou même acheter mon propre VAE va se poser, mais j'ai encore un an pour réfléchir sur ce point. Donc pas de panique, on est large !

Dans tous les cas, mon début dans le beau monde du vélotaf me fait plaisir : à la fois physiquement et mentalement. Plus de liberté, plus de bien pour moi et la planète, moins de perte de temps dans les transports. Le sentiment d'être plus efficace sur cette partie de la journée où on a, d'habitude, toujours l'impression de perdre son temps.

J'espère que ce premier retour d'expérience sera utile à d'autres personnes voulant franchir le pas du vélotaf et qu'il répond à leurs premières interrogations. Si vous avez des questions, n'hésitez pas à les poser sur Twitter et Mastodon, à moi-même ou à d'autres : le hashtag #vélotaf sera votre ami.

Bonne route !

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